
Le CMAQ, fut fondé en septembre 1951 par le docteur René Pomerleau. C’est un organisme sans but lucratif qui regroupe des personnes animées par un même intérêt : les champignons. Il a pour objectifs de promouvoir la connaissance et l’étude des champignons, d’aider et d’encourager les personnes captivées par la mycologie, de recueillir, de compiler et de conserver des notes mycologiques.
En plus d’un résumé des premières années du CMAQ et de l’allocution du docteur René Pomerleau prononcée lors de la parution de Flore des Champignons au Québec, nous vous suggérons aussi quelques liens ci-dessous qui vous permettront d’obtenir plus de renseignements sur ce chercheur éminent qui a marqué la mycologie québécoise :
- Renseignements sur l’Herbier René-Pomerleau du CFL.
- Prix Marie-Victorin 1981
- La participation de René Pomerleau au documentaire « La Mycolade ».

1951

Le 8 septembre 1951, Le Dr René Pomerleau et 35 mycologues amateurs, réunis à Saint-Nicolas après une excursion sur la propriété de M. Jean-Paul Verdon, décidèrent de former un organisme qui étudierait les champignons charnus et vulgariserait ses connaissances dans le public. C’est dans ces circonstances que le Cercle des mycologues amateurs de Québec a été créé. On procéda à l’élection des administrateurs du premier conseil du CMAQ : le président, M. Robert Cloutier, le vice-président, M. André Legendre et le secrétaire, M. Pierre Masson. Le 26 octobre, à la bibliothèque de l’Institut de biologie, le conseil du Cercle tint sa première séance et notait la présence de M. Wilfrid Corriveau, président de la Société linnéenne, de M. René Pomerleau, membre fondateur et chargé de cours pratiques sur les champignons au Jardin botanique ainsi que celle de M. Louis Cloutier.
Le 6 novembre, lors de la première assemblée générale, les membres ont procédé à l’étude de la constitution du Cercle et ont accepté une cotisation annuelle d’un dollar et une proposition d’affiliation à la Société linnéenne. Le 18 février, à la Maison des Anciens de Laval, lors du dîner du Cercle, les membres dégustèrent des mets spécialement apprêtés pour la circonstance : une crème de champignons (cèpes) au sherry, un civet de bison avec cèpes à la bordelaise qui fut servi avec des pommes de terre Champs-Élysées (préparées avec des truffes) et une salade apprêtée avec des cèpes et, comme dernier service du repas, une meringue en forme de champignon. Après le repas, M. Pomerleau présenta une causerie, illustrée de projections lumineuses, sur les champignons de la région de Québec.
À la séance du 7 avril, le texte définitif de la constitution a été adopté, M. André Legendre présenta les «Observations d’un mycophage», M. Richard Cloutier traita de la « Culture des champignons de couche » et son exposé fut illustré par des diapositives en couleurs. Les récoltes furent intéressantes malgré une saison particulièrement sèche.
Les excursions n’eurent lieu qu’à partir du 23 août, mais elles ont tout de même permis de récolter des chanterelles ciboires, des bolets granulés, des lycoperdons perlés, des clitocybes orangés, des cortinaires vermillon et des hydnes corail. Dans les bois composés surtout de conifères, sur un tapis de mousse, le genre Bolet était à l’honneur : le Bolet d’Atkinson, le Bolet châtain, le Bolet rugueux, le Bolet à chair jaune, le Bolet blafard et, bien sûr, le Bolet comestible.
Les pluies d’automne apportèrent les Cèpes, les Lactaires parasités par Hypomyces, les Cortinaires, les Entolomes, les Amanites, les Hygrophores, les Clavaires, les Russules, sans oublier une dense population de Marasmes d’Oréade trouvée sur le terrain de l’Auberge du Mont Saint-Castin. Les mycologues visitèrent les bois du lac Beauport, de Cap-Rouge, du lac Saint-Charles et de Saint-Nicolas.
Les sites permirent de recueillir le Polypore des brebis, l’Armillaire ventru, la Golemote, les Coprins, l’Armillaire couleur de miel, le Tricholome travesti, la Chanterelle orangée, le Bolet à pores dorés, le Tricholome roux, les Clitocybes ombonés, les Cortinaires visqueux, l’Hygrophore remarquable, l’Hygrophore écarlate et l’Hygrophore ivoire. (Source : M. Pierre Masson, secrétaire du CMAQ)

1952
L’élection des membres du conseil eut lieu lors de l’assemblée générale du 2 décembre à la Faculté des Sciences. M. Legendre fut élu président et M. Kirouac, vice-président; Mlle Métivier, deuxième vice-présidente et M. Masson, secrétaire.
Le dîner du CMAQ eut lieu le 12 février et les convives y dégustèrent des hors-d’oeuvre préparés avec des agarics, une crème Agnès-Sorel, des agarics sautés sur rôties, un manchon de boeuf farçi avec des cèpes et des cryptogames meringués. À ces agapes, Mme Lecocq, membre du Cercle des mycologues amateurs de Montréal, traita de mycogastronomie et M. Dussault récita « La Poison », un extrait du Bureau des mariages de H. Bazin.
En avril, le docteur René Pomerleau donna une causerie intitulée « Mycogastronomie ». « Les mycologues amateurs doivent, affirma-t-il, d’abord distinguer les espèces communes et particulièrement les espèces dangereuses; ils devront ensuite appliquer leurs connaissances à la préparation des champignons. » Enfin le 15 juin, pour préparer les membres à la saison mycologique qui s’annonçait, M. René Pomerleau a bien voulu donner une leçon de mycologie. Le distingué mycologue fit, en moins de deux heures, une excellente synthèse sur le monde des champignons.
Le 27 août, M. Guertin présenta aux membres du Cercle un film sur les champignons; ce film avait été tourné sous la direction M. René Pomerleau. Il y eut ensuite une projection de diapositives en couleurs reproduisant les planches de M. Jackson, mycologue et artiste, un collaborateur du volume « Champignons de l’Est du Canada » et des vues en couleurs de messieurs René Pomereleau et Pierre Masson.
En dépit d’une période de sécheresse qui se prolongea jusqu’à l’hiver, les membres du CMAQ conservèrent leur enthousiasme et participèrent assidûment aux excursions.Les espèces comestibles furent peu abondantes, mais il y eut de belles trouvailles : une amanite parcivolvata (Il s’agissait plutôt d’une Amanite ellsii.), un volvaire intéressant, plusieurs cortinaires, des inocybes et des mycènes, bref beaucoup de matériel pour la mycologie systématique.
Les mycologues du CMAQ firent des excursions le 5 septembre à Saint-Nicolas et à Cap-Rouge, le 12 septembre à Laval, le 19 septembre à Duchesnay, au lac Saint-Joseph et à Pont-rouge, le 26 septembre à la Pointe d’Argentenay, le 3 octobre à Château-Richer, le 10 octobre à l’Anse-à-Gille et à L’Islet. Ils clôturèrent leur saison le 17 octobre à Saint-Lambert et à Saint-Nicolas. (Source : M. P. Masson, secrétaire)






1953
Le 17 novembre, on procéda à l’élection du nouveau conseil. Les membres ont élu M. Kirouac, président, Mlle Métivier, première vice-présidente, Mme Denis, deuxième vice-présidente et M. Masson, secrétaire. M. Masson, botaniste du Musée de la Province, présenta une causerie sur les Agaricales.
Le 1er avril, le conseil étudia plusieurs propositions : l’émission d’une carte de membre, la rédaction d’un bulletin de nouvelles, une campagne de recrutement pour augmenter le nombre de membres, l’organisation d’un centre de documentation enfin, quelques projets pour les prochaines excursions.
Le 23 avril, le CMAQ et la Société Linéenne assistèrent à une séance organisée par L’ACFAS où le Père Venance présenta le film « Aux sources de la vie » qui permettait d’observer successivement les grandes classes de la série végétale. M. Pomerleau traita ensuite des champignons du printemps et le M. Kirouac traça les grandes lignes du programme de l’année.
Le 12 mai, M. Kirouac présenta la nouvelle constitution avant la la dissolution du conseil d’administration et celle du Cercle. On procéda immédiatement à l’élection d’un nouveau conseil, recréant automatiquement le CMAQ, mais cette fois, sous l’égide de la loi des compagnies. Le nouveau conseil était composé de M. Kirouac, président, Mlle Métivier, première vice-présidente, Mme Denis, deuxième vice-présidente, M. Masson, secrétaire-trésorier, M. L.-P. Gravel, secrétaire-correspondant; ont été élus aux postes de directeurs, Mlle Marcotte, M. Pacreau et M. Legendre.
Au cours des réunions suivantes, la formation et l’information mycologique sont au coeur des discussions : une causerie sur la morphologie externe des champignons, la rédaction d’articles sur les champignons pour le Quebec Chronicle, une série de cours pour les mycologues débutants, la formation d’un comité pour les excursions et la nomination de chefs de groupe. MM. l’abbé Alexandre Gagnon et Louis Cloutier sont acceptés comme membres honoraires.
Il fut aussi question de la présentation d’une exposition de champignons au Musée de la Province et on procéda aussi à une évaluation d’une douzaine de champignons comestibles. Le 18 octobre, M. Pomerleau fut nommé membre à vie du CMAQ. Il fut aussi proposé de servir un goûter à la fin de chaque assemblée. Le 25 octobre, M. Kirouac présenta une causerie sur les empoisonnements causés par les champignons.
Enfin, les excursions mycologiques se sont avérées satisfaisantes et il y eut encore de belle découvertes : la Verpe de Bohème (ou Morille bispore) à Baie-Saint-Paul; un plusieurs morilles rondes à l’Anse au Foulon, un clitocybe lumineux à Cap-rouge, un bolet intéressant (Boletus sordidus) et un grand nombre d’oronges.






1954
Le 25 novembre, le Dr René Pomerleau, lors de l’assemblée qui s’est déroulée à la faculté des Sciences de l’Université Laval en présence de 76 membres, a fait une rétrospective des trois premières années du Cercle. Il y eut l’élection d’un nouveau conseil d’administration : M. Kirouac, président; Mme Denis et M. Beaulé, vice-présidents; M. Cauchon, secrétaire; M. Masson, trésorier; enfin, MM. Pacreau, Drolet et Reid, directeurs.
Le CMAQ reçut un octroi gouvernemental de 500 $ pour soutenir son oeuvre d’éducation et de culture populaire. On annonça que des cours avancés de mycologie au public seront donnés par M. Pomerleau ainsi que la publication de la constitution du CMAQ dans la Gazette officielle de la province. Le docteur Pomerleau relata, diapositives à l’appui, son voyage en Europe et ses rencontres avec plusieurs personnalités du monde de la mycologie, MM. Maublanc, Heim, Singer… Au cours des réunions subséquentes, on proposa la formation de comités pour aider les directeurs du Cercle. M. Masson parla de l’association des morilles avec les prèles, communément appelées queues-de-renard; M. Reid relata les expériences du célèbre enthomologiste français, Jean-Henri Fabre, sur les insectes qui infestent les champignons enfin, M. Brassard, chimiste professionnel et membre du CMAQ, présenta ses travaux mycologiques. M. Pomerleau se déclara enchanté de voir réaliser des travaux inédits en mycologie.
Le conseil reçut quelques suggestions pour augmenter les fonds du CMAQ. Monsieur Pomerleau exprima la nécessité que les membres prennent des notes lors de leurs récoltes de champignons. Ces notes permettrait au Cercle de monter un système de fiches descriptives. « Avec ces fiches, l’on pourra faire des statistiques et des constatations très intéressantes, et avec les années, trouver les endroits propices à telles ou telles sortes et la période à laquelle on peut les trouver… La publicité qui avait entouré le dîner de février et l’intérêt manifesté par plusieurs personnes de l’extérieur poussèrent le Cercle à envisager d’organiser deux dîners mycologiques : à l’automne, « un dîner à prix raisonnable pour les membres; en février, pour les gourmets et les gourmands étrangers au Cercle, un grand repas dont les profits serviraient à l’expansion du CMAQ. »
Mlle Sicard, étudiante en génie forestier, traita des associations qui existent entre les champignons et les arbres, le tout appuyé de plusieurs projections en couleurs. M. Lortie présenta une description fort intéressante des arbres de la province de Québec. Les membres furent invités à offrir une copie des photos prises durant les sorties pour l’album du Cercle et pour un cahier souvenir et à remettre au secrétaire tout article mycologique touvé dans des revues ou des journaux. L’ACFAS décerna à M. Pomerleau, la médaille Pariseau, pour ses travaux et son apport précieux à l’avancement des sciences naturelles… L’été particulièrement sec obligea le Cercle à ne commencer ses sorties qu’à la fin août. Deux grandes excursions automnales avaient été prévues : l’une à Berthier avec le Cercle de Montréal et l’autre, à Saint-Aubert en compagnie du professeur Snell, une autorité américaine sur les Bolets. On proposa que le CMAQ devienne membre de la Mycological Society of America. M. Allard relata ses périgrinations en Belgique, en Hollande, en Suisse et en France, décrivit avec force détails et renseignements le Salon du Champignon de Paris et rappela sa rencontre avec le professeur Roger Heim, directeur du Muséum d’Histoire naturelle et mycologue de renommée mondiale.










1955
Le 28 novembre, après les rapports du secrétaire et du trésorier et le bilan du président, M. Kirouac, on procéda à l’élection des membres du conseil d’administration. M. Kirouac a été de nouveau élu président; M. Beaulé et Mlle Pétrin, vice-présidents; M. Cauchon, secrétaire; M. Masson, trésorier; enfin, M. Allard, Mlle Bardou et M. Brassard, directeurs. Invité à dire quelques mots, M. Pomerleau insista sur une formation technique des membres et sur la nécessité de former les futurs spécialistes.
Le 16 février, le président présenta les activités que le conseil d’administration voulait mener entre autres, la tenue d’un grand dîner de gala. Il y eut aussi un projet de fédération ou de coopérative des cercles de Naturalistes. Lors de l’assemblée du 22 mars, devant les appréhensions de certains membres, M. René Pomerleau proposa la formation d’un comité d’étude sur ce projet d’association. On proposa enfin quelques amendements aux règlements du Cercle. À l’assemblée du 18 avril, le rapport du comité d’étude fut fortement contesté par M. Kirouac et souleva bien des questionnements chez les membres. L’assemblée finalement donna son accord au projet défendu par le président.
À l’assemblée du 30 mai, Le président du Casting Club, M. Roland Casault, donna une intéressante causerie sur la conservation de la faune et de la flore. Il expliqua la mission de son groupe et souligna le travail d’éducation que le CMAQ, le scoutisme et les clubs 4H menaient auprès des jeunes. Comme par les années précédentes, les membres ont entendu de nombreuses histoires ou causeries sur les Morilles. Lors de l’assemblée du 4 juillet, M. René Cauchon présenta une conférence sur « Les Morilles et leur habitat ». Il y eut bien sûr des excursions communes, des dégustations de champignons et de nouvelles recettes. Le Cercle reçut aussi la visite de mycologues étrangers. Aux assemblées du 26 septembre et du 8 octobre, les membres acceptèrent les amendements à la constitution proposés par les directeurs du conseil d’administration; à la dernière assemblée, M. Cauchon accepta, pour le bénéfice des nouveaux membres, de montrer la façon de faire l’identification d’un champignon…
1956
« En 1956, le Cercle des mycologues amateurs de Québec se réunit au restaurant Kerhulu, sur la Côte de la Fabrique, à Québec, pour un dîner gastronomique à quatre services, sur le thème des champignons… » Source : Hélène-Andrée Bizier, Une histoire du Québec en photos, p183

Allocution de René Pomerleau
Prononcée au Château Frontenac, le 6 juin 1980, lors de la parution de Flore des Champignons au Québec, parution que le Cercle des mycologues de Québec a tenu à célébrer.
Monsieur le Président, chers amis mycologues,

Par cette manifestation, vous avez voulu célébrer une naissance, longtemps attendue, m’a-t-on dit, et peut-être la trentième année de vie active et débordante de votre cercle. Cette réception, ou plutôt cette fête, souligne bien l’attachement qui existe entre les membres de ce groupe et votre humble serviteur qui a toujours cherché à s’entourer de naturalistes enthousiastes pour partager sa véhémence de mieux connaître une composante de notre milieu naturel. Traduire ses sentiments envers ceux qui viennent, encore une fois, honorer l’initiateur d’un mouvement toujours dynamique et lui donner de telles marques de sollicitude peut sembler une tâche aisée et sans embûches, mais reste quand même un devoir très délicat dont l’énoncé doit allier l’authenticité de la gratitude à l’intensité des émotions ressenties. C’est donc de tout cœur que je remercie votre conseil, monsieur le Président, le comité qui a organisé cette belle réunion, notamment madame Louise Théberge, votre vice-présidente, le père Sirard pour sa présentation élogieuse, et vous tous, chers amis, qui êtes venus ici, ce soir, me donner une autre preuve de votre affection. Pendant les quelques années qu’il me reste, je conserverai le souvenir précieux de votre amitié et, dans la mesure de mes moyens, j’essaierai de démontrer l’étendue de ma gratitude par plus de dévouement envers la cause qui nous unit et vous tous.
Ce que j’ai pu accomplir dans le domaine de la mycologie, je l’ai fait avec la conscience du naturaliste fasciné par l’évolution des êtres organisés, depuis le bouillon primordial jusqu’à nous, Homo sapiens, et animé du désir de communiquer sa passion aux amants de la nature que vous êtes tous. Cette propension vivace, ce besoin de toucher l’humain, de percer la carapace parfois dure du chercheur scientifique réfugié dans sa tour d’ivoire, m’ont conduit inéluctablement à l’enseignement universitaire et surtout populaire qui portait sa propre récompense. Rechercher des disciples dont le code génétique possède les mêmes gènes, débouche forcément sur la compréhension mutuelle et sur les liens d’amitié qui se nouent entre des âmes-sœurs. Et si j’ai pu exercer une influence bénéfique et susciter des vocations pour préserver des cellules bien fragiles du début et un noyau de connaissances, si j’ai forgé des outils commodes et aussi perfectionnés que possible, pour mieux explorer ce champ fertile et labourer cette terre, l’incitation provient de vous tous, anciens et nouveaux. Ah! voilà que je parle comme un fabuliste ou un prédicateur dont j’emploie le même vocabulaire et des techniques identiques. Rassurez-vous, toutefois, car jamais je n’ai imposé une morale et chacun a pu adopter des dogmes selon son propre style pour atteindre le même but par des voies diversifiées et selon ses aspirations.
Selon Jean-Jacques Rousseau : « Un botaniste est un esprit curieux dans un corps ambulant. » Cette boutade peut aussi bien s’appliquer aux mycologues, qui, d’après un écrivain-naturaliste de Montréal, se définiraient mieux comme suit : « Des messieurs – et des dames, dirait-on maintenant – qui parlent latin comme des curés, s’enthousiasment pour des parasites et veulent nous faire manger des choses quui sentent le moisi… On les soupçonne d’accointance mystérieuse avec les Gnomes, les Farfadets et tous les mauvais génies qui vont au sabbat coiffés de ces chapeaux spongieux, prétendus comestibles. On leur sourit de loin pour ne pas tenter le sort, mais pour rien au monde goûterait-on à leur cuisine. » Toutefois, ajoute Claude Mélançon, dont vous avez peut-être reconnu le style alerte et coloré : « Le gourmet désireux de profiter d’un régal gratuit,sans se croire obligé de faire son testament avant chaque bénédicité, doit ignorer ces préjugés et se confier à un mycologue. » Depuis que ces propos amusants, mais révélateurs des croyances d’une époque révolue, ont été publiés dans une revue montréalaise au début des années 40, bien de l’eau a coulé sous les ponts, et, d’infime qu’il était avant 1945, le nombre de ceux qui, chez-nous, s’intéressent aux champignons s’accrut lentement à compter de 1950, puis à une allure accélérée au cours des 10 et 15 dernières années pour dépasser peut-être 25, 30 000 ou davantage maintenant.
Simultanément, les attitudes de commisération, voire de défiance à leur égard, se sont profondément modifiées. souvent perçus, naguère encore, comme des individus bizarres, un peu cinglés sur les bords, ou tout au moins des êtres assez curieux, les mycologues de toutes catégories ne sont plus considérés des âmes vagabondes en quête du « pain-du-diable » pour accomplir leurs rites païens, mais des êtres normaux, généralement sains d’esprit, armés d’une science certaine, qui peuvent profiter de l’une des ressources de l’ambiance naturelle.
Depuis que la semence a germé, au début des années 50, la plantule grêle devint un buisson aux ramures serrées, puis un arbre qui porte des fruits. En concomitance, notre société a subi des mutations profondes dont je ne retiendrai ici que le besoin de s’évader dans la nature et de se familiariser avec le milieu naturel, qui fait naître le désir de protéger ces richesses cone la cité envahissante ete trop souvent salissante. Concurremment, les mycologues de notre groupe, de néophytes, devinrent des apôtres qui ont répandu la bonne nouvelle. Tenez, cela recommence : la terminologie évangélique revient à la surface, tant il est vrai que notre formation première laisse des traces indélébiles.

Stimulé par votre intérêt, votre enthousiasme parfois exhubérant, votre soif inestinguible pour cet élexir de la connaissance et vos trouvailles que multiplient vos prospections, l’idée récurrente de composer une flore complète des champignons véritables d’ici avait germé depuis longtemps dans mon esprit; mais, effrayé par l’ampleur de la tâche et les difficultés inhérentes à cette ambition, j’en écartais le projet. Toutefois, je songeais à la rédaction d’un autre ouvrage de vulgarisation plus étendu que le premier et plus à jour, et j’en avais même dressé le plan. Puis, un jour, lors d’une réunion du Cercle à l’automne de 1973, je crois, Carol Landry, qui se nomme maintenant Pierre-Antoine, jeune et ardent mycologue, à à qui je confiais mon dessein, me déclara tout de go : « Des livres de vulgarisation, il n’en manque pas; ce qu’il nous faut, c’est la somme de tout ce que l’on sait sur ce groupe de champignons au Québec. » Par ce trait direct, quui fit mouche, le virus latent dont j’étais porteur déclancha la pathologie et le syndrome prédéterminés. Dès lors, le sort en était jeté : je ne pouvais plus surseoir à l’exécution de ce plan encore à peine ébauché.
Ainsi, je me lançai dans une aventure dont je ne voulais en mesurer l’étendue ni en supputer les ramifications et le terme, et surtout sans asssurance de pouvoir la mener à bonne fin. Mais persuadé, comme je l’ai été toute ma vie, que l’on ne fait rien qui vaille sans une générosité totale et que des circonstances favorables se produiraient bien en cours de route, j’abordai la partie descriptive par la sélection des entités connues au Québec et aux environs, le choix de la terminologie et du type de description et commentaires à adopter, la conception des clés les plus commodes et bien d’autres aspects souvent modifiés. Et, tous les jours ou presque, pendant au moins 5 ans, il a fallu vérifier des espèces, effectuer des modifications parfois considérables, proposer une nouvelle espèce, choisir les positions des groupes et des entités ete faire transcrire plus de 2500 pages dactylographiées, réunies en une dizaine de gros cahiers. Puis ce fut le tour de la partie des généralités, des illustrations, des index bibliographiques ete alphabétiques des noms et tout ce que cela comporte, sans parler de la correction des manuscrits ad nauseam. Je ne répéterai pas ici toutes les étapes de cette réalisation, avec ses chances et ses malchances, ses hauts et ses bas, mais je dois encore remercier ceux qui ont directement contribué à sa préparation : Mlle Gisèle Marcotte, Mlle France Lessard et Madame Louise Théberge, toutes des mycologues convaincues, ont transcrit plus de 3000 pages, souvent corrigées ou complètement reprises; Alexandre Clermont, ce grand mycologue, a dessiné les silhouettes de plus de 425 espèces, le docteur François Gagnon, charmant voisin, aussi artiste éclectique, a préparé plus de 200 épures, Mlle Thérèse Robichon a tracé les contours de plus de 300 espèces, les schémas explicatifs contenus dans 14 planches, une carte phytogéographique et peint une aquarelle. Tout cela d’après mes esquisses et devis. Yvette et Bertrand Denis ont bénévolement relevé quelque 10 000 noms, certains mentionnés plusieurs fois et disséminés dans ces 3500 pages manuscrites et m’ont permis de puiser librement dans leur superbe collection de diapositives pour compléter l’iconographie chromatique. René Cauchon, qui a joué un rôle étendu dans le développement du Cercle et de son enseignement, nous a fourni de nombreux documents et échantillons, signalé les entités encore inconnues au Québec et aidé de mille manières, notamment en revisant certains chapitres; Laurent Potvin, Lionel Thibault, A. Nantel, en vérifiant le texte sur la toxicologie; Colette Potvin, en colligeant les données d’un comité sur la mycogastronomie; Claire Leclerc et André Pion en revisant une bonne partie du manuscrit.
Vous conviendrez sans doute qu’il faut la foi du charbonnier pour entreprendre un tel travail de bénédictin – si vous me passez ces vieux Poncifs – ou s’embarquer dans une telle galère, seul et sans ressource, une fois retraité et à un âge plus que certain. Sans doute, le sort m’a favorisé pour m’attacher des collaborateurs, obtenir des fonds indispensables eet trouver un éditeur capable d’assumer les risques d’une aventure financière. Mais, comme les fils du paysan d’une fable du bonhomme Lafontaine, j’avais inconsciemment préparé le terrain à la recherche d’un trésor hypothétique…
Presque tout ce monde avait goûté aux champignons, ou suivi mon enseignement depuis trente ans. Même le docteur Gilles Julien, dispensateur des subventions au Conseil National des Recherches, le docteur Wilfrid Corriveau, M. Serge Hamel, directeur de l’ACFAS, et M. Roger Lemelin, le président-éditeur de la Presse avaient exploré ce domaine dans un sens ou dans l’autre et n’avaient pas été épargnés par la contagion. Encore une fois, je dois exprimer ma très vive reconnaissance envers toutes ces personnes quui ont cru en cette entreprise qui n’aurait pu réussir sans leur générosité. À M. Roger Lemelin, je tiens à réitérer ma gratitude pour son appui inconditionnel dont le résultat est la production de ce magnifique volume.
Au personnel des Éditions La Presse, notamment M. Bruno Bulota, administrateur, M. Jean Provancher, graphiste, et Mme Lucile Larose, chargée de la composition, de la correction des épreuves et (de) bien d’autres tâches, qui pendant un an et demi, ont donné des preuves de leur patience inaltérable et rien négligé pour édifier un tel monument dont chacun de vous peut apprécier la qualité, je dois témoigner encore de l’étendue de ma reconnaissance.
À la page de garde de ce livre, on notera la mention de la subvention pour la publication accordée par le Ministère des Affaires culturelles qui a permis à l’éditeur de réduire le prix de vente de ce volume. Dans mes remerciements imprimés, je n’ai pas indiqué cet apport très précieux que ne ne connaissais pas au moment de la rédaction, mais je tiens à réparer cette lacune maintenant et surtout souligner le rôle prépondérant qu’a joué Mme Françoise Têtu, un de nos membres les plus assidus, qui, chaque automne entraîone son père, professeur de chimie retraité en France, à nos séances d’identification. Par un coup de chance, Mme Têtu, professeur de lettres à l’Université Laval, présidente d’un comité de subventions à ce ministère, grâce à son dévouement pour notre cause et pour cet ouvrage qui répond, à son avis, si bien à ses aspirations. Je tiens à lui exprimer publiquement toute ma gratitude pour cette contribution dont chacun de vous peut profiter.
À ce point, il me faut encore proclamer que sans les mycologues professionnels et amateurs, d’ici et d’ailleurs, sans les sectes vouées à la même divinité, sans vos nombreuses contributions et sans l’étincelle que j’ai souvent décelée dans vos yeux, comme un musicien ou un poète sans auditoire ou sans lecteur, je n’aurais peut-être pas poursuivi mes recherches et tenter de me dépasser et d’entretenir le sentiment d’exhaltation qui justifie l’existence. Comme Churchill, je suis tenté de dire : « L’homme construit des bâtiments, mais ensuite les bâtiments construisent les hommes. »
En ce qui me concerne et sans remonter au déluge, cela commença en 1951, lorsque mon collègue et ami Wilfrid Corrivault, alors président de la Société Linnéenne de Québec, me demanda, lors du lancement à Québec deChampignons de l’Est du Canada, de donner des cours publics sur ce sujet. Déjà venaient à mon laboratoire de la Grande-Allée, André Legendre, Pierre Masson et Yvette Denis, pour me soumettre des échatillons de leurs récoltes, notamment de ce que l’on nommait alors l’Amanite des Césars. Or, un certain vendredi soir du mois d’août 1951, quelque 125 personnes, attirées par un communiqué dans les journaux, se présentèrent dans une salle de la Faculté des Sciences du boulevard de l’Entente où pendant trois heures, je traitai de ce sujet illustré de diapositives. Le lendemain matin, une excursion devait avoir lieu, mais il pleuvait un peu et je pensais que personne ne viendrait. Et bien non! Plus de quarante d’entre eux m’attendaient au lieu du rendez-vous dès neuf heures, et cette première tournée du samedi fut un succès par l’abondance des récoltes ete des participants, et il en fut ainsi à l’excursion suivante qui réunissait une centaine de personnes dans un bois de l’Ange-Gardien. Enfin, au terme d’une promenade à St-Nicolas, à la fin de septembre, je proposai au groupe, assis sur l’herbe, de fonder un cercle de mycologues, et, sur place, l’on forma un conseil provisoire, présidé par M. Robert Cloutier et animé par M. Pierre Masson, à titre de secrétaire-trésorier. Mentionnons que Mme Claire Leclerc et M. Marcle Drolet, membres à vie de notre cercle étaient présents à cette réunion. Bien sûr, les premières années, à titre de conseiller technique, je pris plusieurs initiatives, notamment d’organiser les premiers dîners mycogastronomiques au Cercle Universitaire de Québec.
Sous le règne du deuxième président, M. André Legendre, les activités se poursuivirent, mais notre réputation, encore douteuse, faillit s’écrouler lorsque, dans la forêt, à Château-Richer, s’égara un participant, venu de Ste-Anne-de-la-Pocatière, que l’on retrouva heureusement à l’hôtel du village plus tard. Puis ce fut la période pendant laquelle le docteur Charles Kirouac, un cousin du frère Marie-Victorin, présida avec brio aux destinées de notre groupe. Par son dynamisme, ses incessantes démarches, son intérêt incommensurable, sa prestance, il recruta de nouveaux membres, présida les réunions avec majesté et organisa moultes activités nouvelles. C’est lui, je crois, qui rédigea le projet de légalisation et les règlements du Cercle, prépara les premiers numéros du Bulletein, organisa la première exposition de champignons et eut l’idée de la fête des Rois, une tradition bien établie depuis plus de 25 ans. J’avoue que je trouvais assez puérile cette manifestation, avec échange de menus cadeaux et l’élection du roi et de la reine, mais bientôt je dus admettre que ces réunions joyeuses et détendues, contribuèrent à la cohésion du groupe, à nouer des liens d’amitié et à révéler des talents culinaires. Il convient aussi, je crois, de donner un échantillon, une liste des principaux plats présentés aux dîners annuels du Cercle à cette époque, notamment celui du 17 février 1955, à titre d’exemple : Demoiselles de Cherbourg à la Normande, Velouté de cresson aux mousserons, Crêpes aux chanterelles, Filet de sole aux morilles, Filet mignon des mycogastronomes, Corne d’abondance au beurre, Cèpes à la bordelaise, Riz indien aux psalliotes des prés, Oronges à la Lucullus, etc. Il faut accorder une mention spéciale au grand dîner mycogastronomique, ouvert aux gastronomes de Québec, aux coôut élevé alors de $15.00 du couvert, qui eut lieu au Cercle Universitaire de Québec, le 30 janvier 1956. Au menu, il y avait, en particulier, Les Trompettes du Carnaval, Chanterelles des Originaux, Cèpes des Détraqués, Velouté de lépiotes aux sept Reines, Homard aux Armillaires ventrus. Tournedos des Marquis, Champignons des Masques, Truffes au champagne. Miam, Miam! Ce fut un triomphe par la décoration des tables, la succession et la présentation des mets et la qualité des convives, au nombre de 60 au moins. À cette occasion, notre réputation s’étendit à tout le Canada et aux État-Unis et peut-être ailleurs dans le monde par un article sur ce dîner paru dans Time-Magazine. Ce fut aussi le début, je crois, de l’intérêt de M. Roger Lemelin pour la mycologie, qui distribua à ses amis des exemplaires de Champignons de l’Est du Canada, qui réédita ce même ouvrage en 1977 et qui vient de publier et d’offrir au public notre Flore des Champignons au Québec sous une si belle enveloppe. Pour toute ces raisons et bien d’autres encore, nous gardons le souvenir ému de cet homme, le docteur Kirouac, trop tôt disparu, dont nous apprécions mieux les oeuvres, maintenant.
Dans la même veine, je devrais énumérer les apports et le rôle des présidents, secrétaires et autres à la direction du cénacle depuis 30 ans, mais ce serait fastidieux et je craindrais d’oublier des contributions valables. Au poste de président, se sont ensuite succédés René Cauchon, Mme Yvette Denis, Mlle Léa Pétrin, Éric Aubin, le docteur Eugène Allard, Philippe Treffy, Pierre Masson, Mme Cécile Lachance, Alexandre Clermont, Pierre-Paul Archambault, Charles-André Chamberland, Jean Fuschino, Jean-Jules Panneton, Mme Claire Leclerc, Ghislain St-Pierre, le père Léas Sirard, Jean-Charles Gonthier, le Dr René Fournier, Valier Savoie, et enfin vous, M. Eugène Dontigny.
Parmi les secrétaires et les trésoriers, il faut citer Pierre Masson, René Cauchon, Jacqueline Nadeau, Ruth Talbot, Charles-André Chamberland, Guy Perrault, Paul Millet, J.-Marcle Morency, Mme Cécile Chamberland, Onil Demers, Alex Clermont, Claire Leclerc et enfin Jacinthe Dallaire, notre dévouée secrétaire depuis plusieurs années. Je dois cependant détacher les noms de ceux qui ont laissé des marques indélébiles par leurs initiatives et leur action. En tête de file, se place René Cauchon, venu à la mycologie en 1954, je crois, en raison de l’attrait du sujet, qui est devenu un professionnel dans ce domaine et le conservateur de l’herbier mycologique du Laboratoire de Recherches forestières, secrétaire, rédacteur du Boletin, plusieurs fois président, animateur dévoué et passionné, savant professeur, il a fourni de nombreuses contributions à la connaissance de notre flore des champignons et un collaboration précieuse dans mes recherches et que sais-je encore. Par son assiduité, sa compétence, son esprit d’organisation et bien d’autres mérites, il a été ete reste la cheville ouvrière de ce mouvement dont on peut maintenant mesurer l’ampleur. Je tiens à souligner ici le rôle souvent effacé mais efficace de son épouse Rose dans toutes les phases de cette activité, depuis la cueillette, jusqu’à la cuisine en passant par les différentes fonctions du cercle, fêtes des Rois, etc.
Aux membres de plus récente date, je crois devoir mentionner le passage de Mme Yvette Denis à la présidence, en 1957, marqué par son activité et celle de son mari, le docteur Bertrand Denis. L’enthousiasme, le dévouement à cette cause, l’ardeur à de familiariser avec nos champignons et à les bien reconnaître, les ont conduits à des découvertes d’espèces encore inconnues au Québec, à la tenue d’une grande exposition au Musée Provincial et surtout à la réunion d’une remarquable collection de diapositives sur les champignons que Yvette Denis photographiait avec un soin méticuleux et scientifique en ajoutant une échelle. Grâce à leur grande générosité, le Cercle a pu monter une photothèque qui chaque année sert encore à illustrer les cours et les conférences.
En 1959, avait lieu à Montréal le IXe Congrès international de Botanique, sous l’égide duquel j’avais préparé deux excursions mycologiques, une en Gaspésie et une autre aux environs de Québec. En liaison directe avec le Cercle de Québec, les membres avaient fait d’abondantes cueillettes esposées dans les laboratoires de la Faculté de Foresterie, et les mycologues venus du monde entier, parmi les plus célèbres, purent récolter des espèces rares, découvrir de nouvelles entités, au point d’amener un jeune américain à dire : « Tout ce qu’il y a dans les livres est ici exhibé sur les tables ». C’est sous la présidence de Mlle Léa Pétrin, journaliste, auteur d’un article, « La prière des Mycologues : la pluie chaque jour! », dans Maclean de juillet 1962, que notre Cercle a été l’hote de ce groupe international et choisi.
Le nom du docteur Eugène Allard, qui a dignement souligné le dixième anniversaire de notre Cercle en 9161, restera gravé dans la mémoire de ceux qui l’ont vu à l’oeuvre comme un mycologue convaincu qui a fait des contributions signalées à la mycologie et dont l’intérêt contagieux pour les champignons a débordé dans plusieurs régions du Québec où, depuis sa retraite, il exerce sporadiquement sa profession d’anesthésite.
Charles-André Chamberland, trésorier perpétuel de notre Société, plusieurs fois secrétaire, puis président, dont l’action ne se comptabilise pas, est un cas particulier. Venu à la mycologie par son penchant pour la chasse au petit gibier, ce naturaliste, rivé à un atelier de joaillerie, s’est épanoui grâce aux champignons qui l’ont conduit dans un laboratoire de mycologie. Il est, l’auteur d’une monographie sur les Psalliotes du Québec, le centre névralgique du Cercle, dont il organise les réunions, les cours et autres manifestations et l’un des professeurs. On a l’impression que tout s’écroulerait sans la présence de ce pilier.
Alexandre Clermont (Alex pour la plupart) restera dans les annales de la mycologie à Québec, un météore très brillant mais trop tôt disparu. Lui aussi, il cherchait la voie. Artiste délicat, il était tenu en laisse dans une imprimerie familiale, comme nom ami Harry Jackson. Dilettante passionné, il s’égarait dans diverses avenues de la vie; gourmet raffiné, il était en quête de fumets et d’arômes inconnus. Au début des années 60, il apprit l’existence à Québec d’une secte groupant des gens bizarres, adorateurs de divinités inconnues de lui. Ce fut l’éblouissement; la grâce venait de le toucher. Des formes curieuses et variées, et des coloris étranges comblèrent son avidité d’esthète; des saveurs nouvelles et des effluves insoupçonnées se révélèrent à lui et son appétit de nouveautés gustatives fut satisfait; son besoin d’évasion dans la nature trouva des objets de convoitise. Débordant d’activité et d’enthousiasme, il se lança à bride abattue dans cette expérience imprévue; il entraîna son épouse Thérèse et même, ses filles récalcitrantes au début; il fit des récoltes sensationnelles; il parcourait des distances invraisemblables pour cueillir des morilles; il cuisina avec ardeur pour mettre en valeur cette provende inusitée; il remplit sa maison de réserves, dont une bonne partie servit pour la préparation du dîner annuel du Cercle et pour d’autres occasions. Entraîneur impénitent, il se procura un petit autocar pour conduire les amateurs dans ses stations préférées; plusieurs fois président, il veilla à la préparation de dîners époustouflants; il publia et illustra de superbes numéros du Boletin. Enfin, il accepta de dessiner les silhouettes de champignons dont vous pouvez apprécier les épures scrupuleusement tracées dans la Flore. Hélas, trois fois hélas! les aléas de l’existence l’ont trop tôt ravi à sa famille, à ses amis, à son travail et à la mycologie.
Chez bien d’autres adeptes de ce clan inoffensif, nous avons toruvé ces mêmes tendances, cette exhaltation, ce dévouement; Mme Claire Leclerc, naturaliste et épouse de naturaliste, mycologue de la première heure, secrétaire et présidente, apporta sa collaboration de multiples manières. Elle présida et organisa la célébration du vingtième anniversaire du Cercle en 1971 et ses contributions mycogastronomiques survivront partout par le recueil de recettes qu’elle publia. Je dois rappeler aussi son aide bénévole pour la revision d’une partie de mon manuscrit.
Poète et historiographe, le professeur Camille Pacreau, venu, il y a longtemps, de sa lointaine Vendée, a laissé un souvenir impérissable de son trop court passage parmi nous. Sa mémoire se perpétuera, notamment par sa prose et sa poésie à la gloire de nos cryptogames et de leurs habitats, en particulier son article sur le Bois de l’Angélus. M. Jean-Charles Gonthier, épris de fleurs indigènes et grand explorateur des plaines et des montagnes, qui s’est même égaré dans la pénombre pendant qu’il poursuivait son gibier préféré, les champignons, fondateur du Cercle des mycologues de la Rive-Sud, ancien président et membre assidu et fidèle de notre cénacle, organisateur d’expositions remarquées, a entraîné dans son sillage des amateurs passionnés comme M. Roger Thibault, qui a trouvé le Cortinaire remarquable, la première fois en Amérique du Nord, et M. Lucien Gosselin, excellent photographe de regrettée mémoire.
De M. Pierre Masson, botaniste de carrière, spécialiste des lichens, je dois signaler le rôle très précieux, surtout au début du Cercle, en tant que secrétaire, trésorier, président et professeur, rôles qu’il a exercés avec dévouement, malgré sa timidité naturelle. Le père Léas Sirard, historien de l’exégèse, spécialiste des Polypores, excellent botaniste, qui, chaque année, apporte sa contribution active par son enseignement, l’identification des espèces de tous groupes, la direction des excursion hivernales et des expositions d’art mycologique, auxquelles il concourt lui-même avec ses oeuvres originales.
Je rappellerai aussi le souvenir de M. Ghislain St-Pierre, ancien président, très actif, excellent photographe, qui est trop tôt disparu. Mentionnons aussi quelques noms tels que celui du docteur Laurent Potvin, de son épouse Colette, de Marcel Drolet, Mme Béatrice Locatelli, M. R. Thibault de Lauzon, de Mme Louise Théberge, vice-présidente qui m’a rendu des services signalés pendant la préparation du manuscrit et qui m’aide encore de mille manières, de Mlle France Lessard, du docteur René Fournier, ancien président, de M. Valier Savoie, dernier président, de Fernande Doucet, de Ginette Giguère, de M. Fernand Paré, de Mme Thérèse Clermont et de ses filles, et de combien d’autres qui, depuis 30 ans, ont apporté leur concours précieux aux réunions notamment à la préparation des mets lors de la fête de Rois. Bien d’autres membres, et combien de circonstances amusantes et d’incidents parfois cocasses pourraient être cités par certain d’entre-vous.
De cette fresque, à peine ébauchée, du développement de la mycologie à Québec, il ressort clairement que mes réalisations, en particulier ce gros volume que je viens de livrer à vos méditations, sont largement les résultats des relations chaleureuses qui se sont établies entre vous et moi depuis trois décennies. Certes, les champignons eux-mêmes, par l’envoûtement qu’ils produisent chez chacun de nous, exacerbent le désir de les mieux connaître, mais leurs vertues réelles ou magiques attirent et réunissent des personnes forcément sympathiques qui aiment la nature et sont animées du besoin de comprendre. Ceux qui, comme moi, ont fréquenté d’autres groupes de mycologues au Québec, en Ontario, aux États-Unis ou en Europe, ont également ressenti cette chaleur, sans arrière-pensée, cette cohésion, cet appétit de savoir, cette étincelle qui invite à monter toujours plus haut comme le Goéland Jonathan Levingston de Richard Bach.
Bien que Einstein, William Blake le grand poète anglais du 18e siècle, qui avait aussi conçu l’unicité de l’univers, écrivait :
Si toutes les portes de la perception étaient ouvertes, toutes les choses apparaîtraient comme elles sont : infinies.
À son exemple, nous pourrions dire :
Lorsque l’on tient un champignon dans la main, n’est-ce pas une parcelle de l’univers que l’on étreint?