«En espérant que vous amenez lapluie…» C’est ainsi que J. André Fortin,président du Cercle des mycologues amateurs de Québec, qui compteprès de 400 membres, accueille la journaliste du Soleil lors d’une excursion dans le parc national de la Jacques-Cartier. Sans eau, point de champignons. Mais fungi ou pas, venez avec nous dans les bois…

Samedi. 9h30. Plus de 80 «cueilleurs» piaffent d’impatience face au chalet d’accueil du parc de la SEPAQ. L’air sent l’huile à mouche et la citronnelle. «Un record d’affluence», estime J. André Fortin, également professeur à la Faculté de foresterie et de géomatique de l’Université Laval. Vu le grand nombre de participants, les troupes seront divisées en quatre groupes guidés par un spécialiste.
Pendant deux heures, ces mycologues, panier à la main, inspecteront les sentiers le regard rivé au sol à la recherche de l’une ou l’autre des espèces comestibles. Durant l’excursion, il y aura des «instants solennels» : un participant aperçoit son premier paxille enroulé – une espèce toxique -, tandis que d’autres cueilleurs, en tête, repèrent quelques «fausses chanterelles» (Hygrophoropsis aurantiaca) au chapeau d’une teinte orangée.

À l’arrière du peloton, M. Fortin s’amuse des «réflexes d’ornithologue» de ceux qui marchent «la tête en l’air». L’un d’entre eux localise, sur un tronc en hauteur, un chaga, nom russe du polypore oblique. L’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne en parle dans son roman L’archipel du goulag, mentionne M. Fortin, qui nous parle alors des recherches sur les propriétés préventives de ce champignon contre le cancer. Un mycologue du groupe ajoute qu’il l’infuse et le boit en décoction. Nous voilà repartis. D’un bon pied.
Spécialiste des mycorhizes, c’est-à-dire des champignons microscopiques qui forment une symbiose végétale avec des plantes, M. Fortin explique qu’au-delà de leurs vertus gastronomiques, les champignons, source de potassium et de phosphore, contribuent aussi à «fertiliser» l’environnement. Plus spécifiquement, les champignons mycorhiziens favorisent la résistance des plantes aux maladies et aux insectes et aident à la croissance, par exemple, du soya.
Pour ce membre émérite du Cercle qui a «sa carte» depuis l’âge de 12 ans, la mycologie se veut un moyen de partager avec des néophytes des informations scientifiques – par exemple, le lichen, premier organisme sur la planète, résulte de la symbiose entre une algue et un champignon -, mais surtout de socialiser pendant la grande tablée d’identification qui suit la balade et d’échanger des recettes.
TOUT SUR LES CHAMPIGNONS
> Conservation des champignons frais
Toujours trier après la cueillette les spécimens et conserver seulement ceux qui sont sains, indique-t-on dans le livre de mycogastronomie du Cercle. Une fois nettoyés – du moins brossés -, les champignons se conservent quelques jours dans un sac de papier brun au frigo.
> Les conditions gagnantes
Selon M. Després, qui s’intéresse à la mycologie depuis 35 ans, l’année 2012 ne passera pas à l’histoire comme fertile en champignons. L’été a été très sec. Or, la fructification, c’est-à-dire la reproduction, dépend de plusieurs facteurs, dont la pluviosité. Selon les espèces, il aurait fallu, en moyenne, des précipitations entre 120 et 150 mm (pour un mois) ainsi que des changements thermiques plus marqués entre le jour et la nuit pour une cueillette automnale plus généreuse.
> La trousse du cueilleur en ligne
Autoproclamée «le magasin général du champignon», la Mycoboutique de Montréal est une adresse à retenir pour les achats en ligne de champignons (secs, en pots, en conserves, etc.), de produits dérivés (huiles, condiments), d’ouvrages de référence et d’outils pour la cueillette. Également en consultation sur le site, un blogue avec des conseils pratiques, une section de recettes et plusieurs liens pertinents pour en apprendre davantage sur la cueillette.www.mycoboutique.ca
> Identification virtuelle
Pour en apprendre davantage sur les champignons du Québec, rendez-vous sur le site de Myco-Québec au www.mycoquebec.org, une base de données, recommandée par M. Fortin, qui traite des 2829 espèces de champignons recensées au Québec. Le site répertorie 15 668 photos (avec des mises à jour continuelles) pour 2221 des espèces ainsi que des descriptions détaillées pour 2548 espèces.
> Sorties et séances d’identification
D’ici le 20 octobre, cinq sorties encadrées par les experts du Cercle, dont Martin Trépanier, chercheur en horticulture à l’Université Laval, et les identificateurs Herman Lambert et Roland Labbé, auront lieu dans la région de Québec. Pour plus de renseignements ou pour s’inscrire au Cercle, rendez-vous au www.mycologie-cmaq.org. Par ailleurs, des séances d’identification gratuites auront lieu au domaine de Maizerets les lundis 17 et 24 septembre ainsi que les 1er, 8, 15, 22 et 29 octobre de 19h à 21h.
À LIRE
> Recettes mycogastronomiques
En 2011, le Cercle des mycologues amateurs de Québec soulignait son 60e anniversaire. Deux ans auparavant, raconte Francine Dupont, coordonnatrice avec son conjoint Jean-Paul Blais du livre Cuisine gourmande aux champignons sauvages, le Cercle avait repris la tradition des banquets d’hiver.
«À l’époque, ces fêtes regroupaient les notables qui s’intéressaient à la mycologie», indique J. André Fortin, qui ajoute à la blague que «tous les champignons se mangent au moins une fois».
Bref, après un cocktail dînatoire sur le thème des champignons, les Dupont-Blais forment un comité de bénévoles au sein du Cercle et s’entendent sur 60 recettes, de l’entrée aux desserts, avec, entre autres, un fudge aux marasmes des Oréades, une espèce à cueillir de mai à octobre.
Même si les chanterelles ne poussent pas à foison cette année – sauf pour M. Blais, qui en a récolté 45 livres quelques jours avant notre excursion -, signalons sa recette de velouté deCantharellus cibarius – le nom latin de la chanterelle commune – ainsi que les aumônières aux morilles proposées par le président du Cercle, M. Fortin.
Chaque recette est accompagnée d’un accord avec un vin et plusieurs capsules présentent les caractéristiques des espèces qui composent les recettes.
Il est possible de se procurer l’ouvrage au coût de 15 $ (frais d’expédition en sus) en écrivant à l’adresse suivante : Cercle des mycologues amateurs de Québec, C.P. 8661, succursale Sainte-Foy, Québec (Québec) G1V 4N6 ou à info@mycologie-cmaq.org
> Une référence québécoise
Si plusieurs guides d’identification des champignons existent, Jean Després, coauteur et directeur de publication de L’univers des champignons, considère qu’un ouvrage plus encyclopédique, davantage axé sur les connaissances, tardait à être publié. Membre émérite du Cercle des mycologues de Montréal, M. Després a réuni un noyau de 14 auteurs, dont le cueilleur Gérard Le Gal (auteur d’Aventure sauvage, de la cueillette à l’assiette) et le biologiste Raymond McNeil, qui a été directeur de Centre de recherches écologiques de Montréal (CREM), pour développer cet outil de vulgarisation qui ne traite pas uniquement de comestibilité.
Pour M. Després, L’univers des champignons s’impose donc comme «le premier livre de référence québécois». Sans être exhaustif, prévient-il, le livre creuse différentes pistes, de la protection de la mycodiversité jusqu’à l’usage alimentaire et thérapeutique des champignons et leur commercialisation.
Un chapitre lié aux classifications, depuis les travaux de Jules Charles de l’Écluse en 1601 à ceux de Thomas Cavalier-Smith en 1998, permet de constater que pendant bien longtemps les champignons furent classés, à tort, parmi les espèces botaniques. Il faudra attendre en 1969 pour que Robert Harding Whittaker reconnaisse dans sa classification du vivant en cinq règnes ce qu’il appellera «le règne fongique».
À la fois érudit et accessible, l’ouvrage se permet aussi une échappée fascinante du côté de la symbolique des champignons dans la littérature en traversant les univers de Shakespeare, de H. G. Wells et des BD Spirou et Fantasio.
Sous la direction de JEAN DESPRÉS. L’univers des champignons, Les Presses de l’Université de Montréal (PUM), 376 p. 39,95 $
ON A DÉNICHÉ
> Pour les risottos et les braisés : champignons séchés
L’entreprise Morille Québec de Chicoutimi ensache une grande variété de champignons sauvages à partir de 4,99 $ les 14 g. En vente dans plus de 100 endroits au Québec ou en ligne au
> Pour un plat avec quatre ingrédients (pâtes, huile d’olive, parmesan, poivre) : pâtes sèches aux champignons
Plusieurs étiquettes italiennes dont Pirro confectionnent des pâtes sèches aromatisées aux champignons. Celles de Pirro ont l’avantage de bien se tenir après la cuisson.
Tagliatelle ai funghi, Pirro, 3,15 $ le sachet (250 g) en épiceries fines.
> Pour aromatiser les sauces : purée de truffes blanches d’été
Urbani Tartufi met en tube de la purée de «brisures» de truffes. Un produit d’entrée de gamme également pratique en finition sur des canapés. En vente à 13,10 $ (32 ml) en épiceries fines, dont Morena.
Par : Steve Deschênes et Stéphanie Bois-Houde
Source : Le Soleil
Date : 2012/09